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Tricky Woo

Biographie

Le nouvel espoir du rock & roll; voici comment le magazine NME a qualifié Tricky Woo dans une critique très flatteuse de l’album Sometimes I Cry en 1999. À l’époque, le seul autre groupe indie montréalais à avoir reçu l’appui de la légendaire publication musicale britannique était Godspeed You! Black Emperor. Montréal, bien sûr, a fini par se transformer en une vaste scène musicale de renommée internationale. Mais à la fin des années 90, être reconnu par un média aussi prestigieux à l’extérieur de la ville, qui plus est à l’extérieur du pays, était une affaire de taille. Le fait que l’album ait atteint le numéro un du palmarès annuel des radios universitaires et communautaires canadiennes est tout aussi important. Ajoutons d’ailleurs que ce dernier s’est retrouvé en nomination aux Junos, bien que peu impressionné, avait choisi de ne pas assister au gala. Ce qui leur correspondait davantage c’était d’être reconnus par leurs pairs en lançant, l’année suivante, un 45 tours sur la mythique étiquette garage punk Estrus Records - aussi la maison de disques de The Mummies, The Mono Men et de plusieurs groupes ayant influencé Tricky Woo à ses débuts.

Les éloges pour Sometimes I Cry avaient frappé fort, alors qu’après la parution de trois albums, le groupe implosait tranquillement. La fin du 20e siècle incarnait une période difficile pour les groupes rock & roll et à ce stade, Tricky Woo en ressentait les répercussions. Bien qu'un mouvement sismique plus large commençait à se faire sentir (les White Stripes enregistraient leur premier album, The Hives préparaient leur deuxième, The Strokes faisaient leurs premiers jams), le tour de force ultime, qui allait propulser le rock & roll en dehors du garage, encore loin d'être complété. Au tournant du millénaire, l'ascension de Tricky Woo a atteint son apogée un peu trop tôt avant que le zeitgeist ne s'impose.

Formé en 1995 par Andrew Dickson (voix/guitare) et Sasha Roiz (batterie/voix), deux étudiants en art, Tricky Woo a été pensé en partie comme un hommage au panthéon du rock, en partie comme un projet d’art conceptuel. Influencé par les premiers balbutiements du rock & roll, le punk britannique et les groupes signés chez Crypt et Estrus Records, les membres du groupe faisaient figure de loups solitaires au sein de la petite scène rock garage montréalaise. Complètement révulsés par les groupes à saveur grunge qui constituaient la majorité du paysage musical de la métropole et incarnant l’antithèse du monde introspectif du post rock où les bras croisés et les coups de menton subtils prédominaient, Tricky Woo apportait quelque chose d’excitant à la scène, tel un kaléidoscope dans une mer de gris et de flanelle.

Au tout début, le trio dans lequel on retrouvait aussi le bassiste John Fazakerly, se produisait uniquement dans des lieux insolites comme des pizzerias, des galeries d’art, des lofts privés et même dans un cinéma porno. En combinant le duck walk de Chuck Berry avec le sex-appeal dérangé de Lux Interior et une mise en scène digne d'Hendrix qui joue de la guitare avec ses dents au Monterey Pop Festival, les performances de Dickson ont valu au groupe la réputation d’offrir des concerts dangereusement enflammés.

En 1996 Tricky Woo lançait The Claw, un premier 45 tours garage punk, ultra lo-fi, imprégné d’une sensibilité pop contagieuse. Avec un nouveau single en poche et une réputation live qui ne cessait de croître, le groupe a attiré l’attention de Vice Magazine qui a ensuite mis sur pieds l’éphémère étiquette SSG Records (dont le nom est un clin d’oeil au légendaire SSG Records) et fait paraître le premier album du groupe, Rock & Roll Music Part One (1997).

Parmi tout le catalogue de Tricky Woo, Rock & Roll Music Part One est l’album dont le son se rapproche le plus du garage rock authentique. S'inspirant de Duane Eddy (qui donne son nom à l’une des pièces), The Damned et The Buzzcocks, avec une pincée de glam rock rappelant Alice Cooper pour bien faire, cette collection de douze vers d’oreille rock & roll incarne parfaitement le mode opératoire du groupe à ses débuts.

Plus tard cette année-là, la formation s'élargit et s’intensifie musicalement en recrutant le guitariste/compositeur Adrian Popovich, alors âgé de 19 ans. En passant de trio à quatuor, Tricky Woo a transcendé le garage punk, pour s'orienter vers une expérience sonore et scénique évocatrice d'un MC5 survitaminé, récoltant au passage de nouveaux fans en dehors sa ville natale. Une série de spectacles particulièrement déchaînés, dont le point culminant fut un showcase de l'industrie au 360 Club à Toronto, durant lequel Dickson a retiré tous ses vêtements pour ne garder que son micro, a conduit le groupe à signer avec Sonic Unyon Records, un label indépendant de Hamilton.

Le bassiste Eric LaRock rejoint le groupe à temps pour la sortie de The Enemy is Real, son deuxième opus et premier à paraître chez Sonic Unyon. Avec cet album aux sonorités redevables au MC5 (évidemment), à Rocket From The Crypt et à Lollipop (Amphetamine Reptile Records), Tricky Woo marie des sons de guitares tonitruants à des textes virulents, invoquant avec exubérance sa vision et son style, qu’il qualifie de "futur rock & roll". On a pu entendre des chansons de l’album dans les séries télévisées Buffy the Vampire Slayer et Dawson’s Creek, permettant d'accroître la visibilité de l'album et de le faire grimper les charts des stations de radios universitaires et communautaires. Tricky Woo a passé la plus grande partie de l'année à zigzaguer à travers l'Amérique du Nord, jouant avec des groupes comme The Demolition Doll Rods, The Make-Up, Murder City Devils, Nashville Pussy, The Makers, The Supersuckers, New Bomb Turks et ses collègues du label Sonic Unyon, The Mooney Suzuki.

Avec l'enregistrement et la sortie de Sometimes I Cry, 1999 fut une année charnière pour les rockers montréalais. Accompagné du batteur Patrick Conan, Tricky Woo venait de créer la pièce maîtresse de sa discographie. Alliant des illustrations en technicolor tape-à-l’oeil (gracieuseté du frontman Andrew Dickson) à des riffs empruntés autant aux Stooges qu’à des influences moins probables (Uriah Heep, AC/DC et même Aerosmith), Tricky Woo se détache du rock garage et se dirige vers un high acid punk surchargé, aux guitares imprégnées de fuzz et de space-echo. Pensez à l’album Vincebus Eruptum de Blue Cheer, joué à 45 tours. Annonçant l’existence de Tricky Woo à tous ceux qui n’avaient pas encore été initiés, Sometimes I Cry est un coup qui a laissé sa marque sur un vaste éventail d'artistes canadiens, dont DFA1979, les membres de Broken Social Scene, Stars, The Dears, The Stills et Priestess.

Après ce qui fut incontestablement son apogée, le quatuor montréalais faisait volte-face, abandonnant complètement le garage rock et tout ce qui avait à trait au punk, alors que les sonorités qu’il avait exploitées quelques années auparavant commençaient à se faire une place sur le devant de la scène culturelle. Ironiquement, le “future rock & roll” avait pris d’assaut le présent et Tricky Woo était déjà passé à autre chose.

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